mardi 27 septembre 2016

Chardonnays de Morel : lequel choisir ?


Nous avons reçu il y a peu les vins de Valentin Morel, symbole d'une nouvelle génération de producteurs jurassiens. Contrairement à certains, il n'est pas parti de zéro : il a repris le domaine familial en 2014 dans le cadre d’une reconversion professionnelle. C’est en effet après des études de Droit et un poste de fonctionnaire-attaché de préfecture qu'il a décidé de revenir à ses origines paysannes. Sa reconversion lui a été inspirée par Matthew B. Crawford ( dont l'éloge du carburateur peut être considéré comme un manifeste pour une approche intellectuelle des métiers considérés à tort comme « manuels »), Rudolf Steiner (sa puissance de perception du monde sensible et ses nombreuses prémonitions dans le domaine agricole via son Cours aux agriculteurs font de lui un penseur dont l’invitation à l’observation et à la méditation nous accompagne au fils des saisons) et Masanobu Fukuoka, fondateur de la permaculture.

« Les pieds sur terre » traduit d’abord un état d’esprit, mais également, s’entend comme un hommage à nos pairs pionniers du « bio » qui, souvent raillés, ont en réalité choisi ce mode de culture de manière pragmatique et visionnaire. C'est aussi un hommage à une émission de France Culture qui porte le même nom et qu'il écoute quotidiennement en travaillant dans les vignes.

Photo : Léa Crespi pour Télérama

Un bel article lui est en partie consacré dans un récent Télérama.

En attendant des Savagnins pas encore en bouteille, nous avons déjà reçu deux Chardonnays assez différents l'un de l'autre. Afin de savoir lequel correspond le plus à votre sensibilité, voici une dégustation comparative des deux cuvées (comme d'hab, aux alentours des 14-15 °C).




Vignes de 30-40 ans sur éboulis calcaires très caillouteux sur des marnes grises et bleues. Fermentation alcoolique en cuve inox, , fermentation malolactique et élevage en demi-muids de 500 litres pendant 10 mois. Léger sulfitage de 15 mg/l).

La robe est jaune pâle, brillante.

Le nez est marqué par la réduction, sur des notes de coquilles d'huître et de pierre mouillée.

La bouche est tendue, avec une fine acidité traçante, limite tranchante, et une matière ronde, friande, digeste, aux accents minéraux, encore sur la réserve. 

La finale délivre une mâche puissante, crayeuse, persistant sur des notes citronnées/salines.

Définitivement à attendre, mais beau potentiel.



Vignes d'une trentaine d'années sur un haut de coteau exposé  plein sud, avec des sols argilo-calcaire sur socle calcaire. Le moût est entonné en fûts de 228 l (d’une dizaine d’année) dès le début de la fermentation alcoolique. Le vin n’est plus jamais manipulé avant la mise en bouteille à l’été suivant la récolte. Aucun sulfite n'est ajouté, y compris à la mise.

La robe est d'un jaune un peu plus doré, également brillante.

Le nez est beaucoup plus expressif, sur la pâte d'amande, la pomme chaude, la poire mûre, avec une petite touche fumée.

La bouche est ronde, pulpeuse, terriblement savoureuse et aromatique, avec ce qu'il faut de peps et de fraîcheur. Pour résumer en un mot, c'est une tuerie. Bu plus frais, l'acidité ressort plus. 

La finale est aussi mâchue que le vin précédent, mais l'aromatique moins austère – très galette beurrée à la frangipane – fait qu'elle est beaucoup plus gourmande. Belle persistance sur des notes fruitées/épicées/grillées.

Conclusion : pour une consommation immédiate, il faut mieux choisir les Trouillots, déjà hyper accessible (grâce à l'absence de sulfites ?). On peut même se demander s'il sera meilleur un jour. Mais je n'ai aucun doute sur l'avenir de Saint-Savin : d'ici 3-5 ans, cela devrait donner un très joli vin. Ce dernier est bien sûr consommable dès maintenant comme on le ferait d'un jeune Chablis, mais ça me paraît tout de même relever de l'infanticide.

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